Le CNEN émet un avis défavorable au projet de décret relatif à la préservation des droits à l'avancement et à la promotion pendant la disponibilité

Par Alexis Deprau

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La loi no 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est une nouvelle étape dans la réforme de l’apprentissage, mais aussi de la formation professionnelle.

Outre ces deux éléments, cette loi traite aussi de l’élargissement de l’assurance chômage, de l’égalité femmes-hommes, de l’emploi des personnes handicapées, mais encore de la lutte contre les fraudes au travail détaché.

Concernant les fonctionnaires, l’article 108 de cette loi permet aux agents de la fonction publique d’État des facilités relatives au parcours professionnel. Ainsi, l’article 51 de la loi 84-16 est modifié pour comprendre de nouveaux alinéas, dont celui-ci :

« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l'avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps. »

C’est à la suite de cette loi que le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, a souhaité édicter un décret précisant la mise en disponibilité pour une activité professionnelle hors administration et le droit à avancement pendant cinq ans au maximum. Le 12 novembre 2018, le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) a adopté le projet de décret relatif à la préservation des droits à l’avancement et à la promotion pendant la disponibilité. 

L’idée était d’apporter des précisions et des conditions à ce droit à avancement en disponibilité, à savoir justifier d’une durée minimale d’activité professionnelle et apporter chaque année à son administration les éléments qui permettront d’attester de la réalité de cette activité professionnelle. 

Plus précisément, le communiqué de presse du projet relatif au décret ajoute encore que, « ces nouvelles dispositions favoriseront le maintien du lien entre l’agent et l’administration, dans l’intérêt tant de l’agent dont la réintégration sera facilitée au terme de la disponibilité, que de l’administration qui bénéficiera ainsi de l’expérience acquise par l’agent dans le secteur privé ».

Néanmoins, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), chargé d'émettre un avis sur l'impact de mesures créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales et leurs établissements, en a décidé autrement. Donnant un avis défavorable, ce Conseil a développé les raisons qui l’ont amené à cette prise de position.

Tout d’abord, le CNEN s’est fondé sur la difficulté d’une application pragmatique de cette loi au niveau des collectivités territoriales, notamment celles de petite taille, puisqu’il leur est difficile voire impossible de procéder au remplacement d’un agent qui se mettrait en remplacement, à moins que le remplaçant soit titularisé (ce qui pourrait être une source de contentieux à venir). La difficulté s’observe d’autant plus dans le cas du remplacement d’un agent exerçant de fortes responsabilités au sein de la collectivité. 

Par ailleurs, c’est sur le plan financier que le Conseil s’est penché, en notant que les effets d’un tel décret ne pourraient avoir qu’un impact financier lourd, étant donné que sans montant chiffré du Gouvernement, les finances des collectivités seraient alourdies par le transfert de charges nouvelles. Au regard du surcoût tangible affectant les collectivités, le Conseil appelle donc à une compensation financière, surtout quand le transfert de charges ne s’accompagne pas d’un transfert de ressources.

Ainsi, sur fond de précarisation progressive des postes, mais encore de remise en cause des possibilités de carrière au sein de la fonction publique (ce dernier point pouvant être mis en lien avec le phénomène de contractualisation), les réticences motivées du Conseil national d’évaluation des normes n’ont pu qu’être prépondérantes dans la décision finale à l’encontre du projet de décret.